Dipôle électrostatique
Définition : Dipôle électrostatique
On appelle « dipôle électrostatique » un ensemble rigide de deux charges ponctuelles \(+q\) et \(-q\) (donc globalement neutre), distantes de \(2a\).
Un tel modèle permet d'étudier :
Les molécules polaires (par exemple : HCl, H2O)
La polarisation des atomes dans un champ électrique extérieur (phénomène de solvatation des ions)
Méthode : Détermination du potentiel créé par le dipôle
On calcule le potentiel créé par le dipôle en un point M de l'espace.
Symétrie de révolution autour de l'axe (Oz) : on choisit \(M(r,\theta)\) dans le plan des deux charges.
On se place dans le cadre de l'approximation dipolaire : \(r>>a\) (on se place « loin » des charges, c'est-à-dire à des distances bien supérieures à quelques nm).

Le potentiel au point M est (principe de superposition) :
\(V(M) = \frac{1}{{4\pi {\varepsilon _0}}}\frac{q}{{{r_P}}} - \frac{1}{{4\pi {\varepsilon _0}}}\frac{q}{{{r_N}}} = \frac{1}{{4\pi {\varepsilon _0}}}q\left( {\frac{1}{{{r_P}}} - \frac{1}{{{r_N}}}} \right)\)
(Avec : \({r_P} = PM\;et\;{r_N} = NM\; > > \;a\))
D'après la relation de Chasles :
\(\overrightarrow {PM} = \overrightarrow {OM} - \overrightarrow {OP} = \vec r - a\;{\vec u_z}\)
En élevant au carré :
\(P{M^2} = {r^2} + {a^2} - 2\vec r.a\;{{\vec u}_z}\;\;\;\;\;soit\;\;\;\;\;r_P^2 = {r^2} + {a^2} - 2ar\cos \theta\)
On calcule ensuite \(1/r_P\) :
\(\frac{1}{{{r_P}}} = \frac{1}{{\sqrt {{r^2} + {a^2} - 2ar\cos \theta } }} = {\left( {{r^2} + {a^2} - 2ar\cos \theta } \right)^{ - 1/2}}\)
On rappelle le développement limité (à l'ordre 1) de :
\({\left( {1 + x} \right)^{ - 1/2}} \approx 1 - \frac{1}{2}x\;\;\;\;\;(x < < 1)\)
On pose \(x=a/r\) (x<<1), alors :
\(\frac{1}{{{r_P}}} = \frac{1}{r}{\left( {1 + \frac{{{a^2}}}{{{r^2}}} - 2\frac{a}{r}\cos \theta } \right)^{ - 1/2}} \approx \frac{1}{r}\left( {1 + \frac{a}{r}\cos \theta } \right)\)
De la même manière (il suffit de remplacer \(\theta\) par \(\pi-\theta\) et donc \(cos\theta\) par \(-cos\theta\)) :
\(\frac{1}{{{r_N}}} = \frac{1}{r}\left( {1 - \frac{a}{r}\cos \theta } \right)\)
Ainsi :
\(\frac{1}{{{r_P}}} - \frac{1}{{{r_N}}} = 2\frac{a}{{{r^2}}}\cos \theta\)
D'où le potentiel :
\(V(M) = \frac{1}{{4\pi {\varepsilon _0}}}\frac{{(2aq)}}{{{r^2}}}\cos \theta\)
On définit le vecteur moment dipolaire du dipôle électrostatique (vecteur dirigé de la charge négative vers la charge positive) :
\(\vec p = (2aq)\;{\vec u_z} = q\overrightarrow {NP}\)
Alors (décroissance du potentiel en \(1/r^2\)) :
\(V(M) = \frac{1}{{4\pi {\varepsilon _0}}}\frac{p}{{{r^2}}}\cos \theta\)
En notant \(\vec u_r = \vec r/r\) :
\(V(M) = \frac{1}{{4\pi {\varepsilon _0}}}\frac{{\vec p.{{\vec u}_r}}}{{{r^2}}}\;\;\;\;\;({\vec u_z}.{\vec u_r} = \cos \theta )\)
Définition : Vecteur moment dipolaire
Le vecteur moment dipolaire est une caractéristique du dipôle électrostatique.
p s'exprime en C.m dans le SI.
On définit plutôt le Debye, mieux adapté :
\(1\;D = {3,33.10^{ - 30}}C.m\)
Exemple :
La molécule d'eau a un moment dipolaire .
En déduire les charges \(+\delta\) et \(-2\delta\) portées respectivement par les atomes d'hydrogène et par l'atome d'oxygène.
On donne :
\(\alpha = (OH,OH) = 104^\circ \;\;\;;\;\;\;\ell = OH = 0,096\;nm\)
Le moment dipolaire total de la molécule est :
\({\vec p_{{H_2}O}} = {\vec p_{OH}} + \vec p{'_{OH}}\)
Avec :
\({p_{OH}} = p{'_{OH}} = \ell \delta\)
Par conséquent :
\({p_{{H_2}O}} = 2\ell \delta \cos \frac{\alpha }{2}\)
On en déduit :
\(\delta = \frac{{{p_{{H_2}O}}}}{{2\ell \cos \frac{\alpha }{2}}} \approx \frac{e}{3}\;\;\;\;\;(e = {1,6.10^{ - 19}}C)\)

Méthode : Calcul du champ électrostatique dans le cadre de l'approximation dipolaire
La relation intrinsèque \(\vec E = - \overrightarrow {grad} \;V\) permet de calculer le champ (en coordonnées polaires) :
\(\left\{ \begin{array}{l}{E_r}(r,\theta ) = - \frac{{\partial V}}{{\partial r}} \\{E_\theta }(r,\theta ) = - \frac{1}{r}\frac{{\partial V}}{{\partial \theta }} \\\end{array} \right.\)
Par conséquent :
\(\left\{ \begin{array}{l}{E_r} = \frac{1}{{4\pi {\varepsilon _0}}}\frac{{2p\cos \theta }}{{{r^3}}} \\{E_\theta } = \frac{1}{{4\pi {\varepsilon _0}}}\frac{{p\sin \theta }}{{{r^3}}} \\\end{array} \right.\)
Ou encore :
\(\vec E = \frac{1}{{4\pi {\varepsilon _0}}}\frac{p}{{{r^3}}}\left( {2\cos \theta \;{{\vec u}_r} + \sin \theta \;{{\vec u}_\theta }} \right)\)
Méthode : Topographie du champ d'un dipôle
Surfaces équipotentielles :
L'équation de la surface équipotentielle (\(\Sigma_0\)) au potentiel \(V_0\) est :
\(Pour\;M\; \in \;({\Sigma _0})\;\;:\;\;V(M) = \frac{1}{{4\pi {\varepsilon _0}}}\frac{p}{{{r^2}}}\cos \theta = {V_0}\)
Soit l'équation en coordonnées polaires :
\({r^2} = A\cos \theta \;\;\;\;\;\;\;\;\;(A = cste)\)
L'allure des lignes équipotentielles est indiquée sur la figure suivante ; l'axe perpendiculaire à (Oz) et passant par O est l'équipotentielle zéro.
Par rotation autour de (Oz), ces lignes engendrent les surfaces équipotentielles.
Lignes de champs :
Sur la ligne de champ passant par M :
\(d\vec r \wedge \vec E = \vec 0\)
\(\left\{ \begin{array}{l}d\vec r = dr\;{{\vec u}_r} + r\;d\theta \;{{\vec u}_\theta } \\\vec E = {E_r}\;{{\vec u}_r} + {E_\theta }\;{{\vec u}_\theta } \\\end{array} \right.\)
D'où :
\(dr\;{E_\theta } - r\;d\theta \;{E_r} = 0\)
Soit :
\(\frac{{dr}}{{{E_r}}} = \frac{{r\;d\theta }}{{{E_\theta }}}\)

En remplaçant les coordonnées du champ par leurs expressions :
\(\frac{{dr}}{{2\cos \theta }} = \frac{{r\;d\theta }}{{\sin \theta }}\)
On sépare les variables :
\(\frac{{dr}}{r} = 2\frac{{\;\cos \theta }}{{\sin \theta }}d\theta = 2\frac{{\;d(\sin \theta )}}{{\sin \theta }}\)
Soit :
\(d(\ln r) = d(\ln (\sin {\theta ^2}))\)
On note \(r=r_0\) pour \(\theta=\pi/2\), alors, en intégrant, on obtient l'équation en coordonnées polaires des lignes de champs (\(r_0\) est un paramètre) :
\(\ln \left( {\frac{r}{{{r_0}}}} \right) = \ln (\sin {\theta ^2})\;\;\;\;\;\;\;soit\;\;\;\;\;\;\;r = {r_0}\sin {\theta ^2}\)
L'allure des lignes de champ est donnée sur la figure précédente.
Fondamental : Action d'un champ électrique extérieur sur un dipôle
On considère un dipôle électrostatique plongé dans un champ électrique \(\vec E_0\) qui peut être supposé uniforme à l'échelle du dipôle.
Quel est l'effet de ce champ sur le dipôle ?
Système étudié : le dipôle (rigide)
Référentiel d'étude : celui du laboratoire (supposé galiléen)

Le dipôle est soumis aux deux forces \(q \vec E_0\) et \(-q\vec E_0\) de résultante nulle.
Le dipôle est globalement soumis à un « couple de forces », dont le moment par rapport à O vaut :
\({\vec M_O} = \overrightarrow {OP} \wedge q{\vec E_0} + \overrightarrow {ON} \wedge ( - q{\vec E_0})\)
Soit :
\({\vec M_O} = (\overrightarrow {OP} - \overrightarrow {ON} ) \wedge q{\vec E_0} = q\overrightarrow {NP} \wedge {\vec E_0}\)
Finalement :
\({\vec M_O} = \vec p \wedge {\vec E_0}\)
Sous l'effet d'un champ électrique, le dipôle se met à tourner afin de s'aligner selon le sens du champ (\(\vec p\) et \(\vec E_0\) dans le même sens, position d'équilibre stable).
Étude énergétique :
Soit V le potentiel dont dérive le champ \(vec E_0\) ; l'énergie potentielle du dipôle (rigide) dans ce champ est :
\({E_p} = qV(P) + ( - q)V(N) = q\left[ {V(P) - V(N)} \right]\)
On rappelle que (\(\vec E_0\) est un champ de gradient) :
Par conséquent, avec \(dV=V(P)-V(N)\) :
\(d\vec r = \overrightarrow {OP} - \overrightarrow {ON} = \overrightarrow {NP}\)
Et donc :
\({E_p} = q( - {\vec E_0}.\overrightarrow {NP} )\)
Soit :
\({E_p} = - \vec p.{\vec E_0}\)
\(E_p\) est minimale (position d'équilibre stable) quand \(\vec p\) et \(\vec E_0\) ont même sens.
La figure suivante illustre le phénomène de solvatation : les molécules d'eau s'alignent selon les lignes du champ créé par la charge \(Na^+\).